Nous vous présentons votre déléguée de... Roumanie !

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La déléguée roumaine du DSSEE est Alexandra CORNEA, Directrice du Département Relations internationales, Programme et Formation de la FSLE (Fédération des Syndicats Libres de l'Enseignement).

Parlez-nous de vous et décrivez votre journée de travail type.

J’ai commencé à travailler dans le mouvement syndical il y a 12 ans, après ma mission en tant qu’experte de la protection de l’enfance et du bien-être social pour le Programme phare de l’UE, de la Banque mondiale et d’USAID. Je suis diplômée de la Faculté Communication et Relations publiques de l’Ecole nationale d’études politiques et administratives et titulaire d’une licence en marketing politique et image publique des leaders et des institutions. Depuis le début de ma carrière, j’essaye donc de mettre en pratique ces compétences professionnelles et d’agir pour ceux qui ont besoin d’aide. J’ai très vite réalisé qu’une aide ponctuelle ne suffit pas à long terme et qu’il est nécessaire de modifier les systèmes et de mettre en place des politiques publiques. Dans cette perspective, en travaillant avec l’équipe européenne qui a créé le système de protection de l’enfance en Roumanie après la révolution de 1989, j’ai découvert les avantages du travail par projet et le monde des ONG, des volontaires et des professionnels engagés dans l’aide sociale. Forte de cette expérience et d’une connaissance approfondie du système éducatif (mes parents sont tous les deux enseignants et syndicalistes), j’ai commencé à travailler pour la FSLE.
Mes journées de travail sont généralement pleines de défis car je coordonne le Département international, mais aussi plusieurs programmes mis en œuvre au niveau national par la FSLE, ainsi qu’un réseau de 12 centres de formation. Chaque jour commence par une brève réunion d’information avec le Président de la FSLE, suivie d’une autre réunion avec mon équipe. Je consulte ensuite mes mails et réponds aux demandes les plus urgentes. La journée de travail peut alors réellement commencer. Je participe à plusieurs négociations avec les organismes d’administration de l’Etat et les partenaires sociaux, j’apporte des conseils sur les questions politiques et je communique avec les médias, je coordonne et organise des séminaires, des conférences et d’autres événements. J’élabore des documents politiques et tous les projets mis en œuvre par mon organisation au cours des 6 dernières années. Je suis chargée des relations internationales et à ce titre, je communique également avec le CSEE ou l’IE, je réponds aux enquêtes et je mets mon expérience au service du développement du dialogue social au sein de nos organisations. Une autre facette de mon activité est la conception des programmes pour nos formations. Je forme également mes collègues en gestion de projet, en leadership et en communication. Je n’ai jamais oublié ma première expérience professionnelle dans le domaine social et je tiens beaucoup à la promotion et au développement de l’égalité des chances dans mon pays. J’espère que mon expérience sera utile au Comité permanent du CSEE pour l'égalité, dont je fais partie. Pour mener tout cela à bien, je me dois d’être très organisée et de maintenir l’équilibre. Je fais de mon mieux pour le bien-être de nos enseignant(e)s.

Depuis combien de temps êtes-vous active dans le dialogue social, tant au niveau national qu’européen ?

Je participe au dialogue social national depuis le début de ma carrière syndicale. Je fais souvent partie de l’équipe de la FSLE lors des réunions avec nos partenaires sociaux, ou je remplace notre Président lorsqu’il doit assister à d’autres réunions. L’une de mes tâches consiste également à préparer de courts rapports de toutes les réunions concernant le dialogue social et d’informer les membres du Bureau exécutif. Au niveau européen, je suis déléguée du DSSEE pour la Roumanie depuis bientôt quatre ans. Au travers de cet engagement, j’ai été membre du Groupe consultatif dans le cadre du projet « Promouvoir les potentiels du dialogue social européen sectoriel pour le secteur de l’éducation en relevant de nouveaux défis et en explorant les expériences et les connaissances », mené par le CSEE il y a quelques années.

Quelle est la situation actuelle concernant le dialogue social pour l’éducation dans votre pays ?

Le dialogue social pour le secteur de l’éducation en Roumanie est très fluctuant et complexe. Si le dialogue disparaît, les monstres politiques et législatifs refont surface. C’est ce qui s’est passé en 2010 quand le dialogue social a été totalement supprimé. Nous n’avions alors pas le droit d’entrer dans le bâtiment du Ministère de l’Education. C’était interdit ! A cette époque, en Roumanie, la rémunération des employé(e)s de l’éducation a été réduite d’environ 40 % et cette réduction a affecté les enseignant(e)s. Aujourd'hui en 2016, nous devons encore récupérer des arriérés de 15 % pour atteindre les droits dont nous jouissions en 2009. Les écoles ont manifesté pendant 3 semaines d’affilée devant le Ministère de l’Education pour demander la démission du Ministre et en guise de « punition », le gouvernement a trouvé une solution dont le but était d’abolir le mouvement syndical. Il était interdit de récolter les cotisations de nos membres sur la fiche de paye. L’objectif était clair : détruire le mouvement syndical dans l’enseignement secondaire, car nous étions les seuls à manifester dans les rues contre le régime. Il fallait bien entendu payer pour cela : ce parti politique est resté six années au pouvoir et les enseignant(e)s figuraient parmi les initiateurs des mouvements populaires qui ont mené à ce résultat ! Après cet épisode ont suivi des années de bataille juridique pour obtenir les droits syndicaux, soit près de 100 000 procédures, soutenant chaque enseignant(e).
Au printemps 2012, un nouveau gouvernement fut mis en place. Suite à la proposition des syndicats, il a établi un Ministère du Dialogue social, dont le premier ministre fut le Secrétaire général de la FSLE.
Ce fut une étape cruciale pour ouvrir la voie vers le dialogue social en Roumanie après 6 ans de gel.
Le dialogue est un point important et sensible. Il représente la durabilité, la normalité et la civilisation. En Roumanie, nous fonctionnons en nous appuyant sur une loi qui a « sauté » plusieurs étapes dans la construction d’un dialogue social efficace et institutionnalisé et nous devons cesser la pratique des abus de pouvoir par les gouvernants afin que la législation nationale sur l’éducation puisse être mise en œuvre sur la base d’un accord mutuel. Tous les acteurs doivent apprendre que la solution ne peut venir que du dialogue. La manière dont nous nous positionnons par rapport au problème est très importante.
Nous devons reconnaître que nos exigences n’ont pas été totalement entendues, en particulier celle d’accorder 6 % du PIB à l’éducation, à l’infrastructure scolaire, à l’amélioration des conditions de travail et à l’augmentation des salaires.
La réforme incessante du système constitue un énorme problème pour le secteur de l’éducation en Roumanie. Au cours des 25 dernières années, la législation relative à l’éducation a été amendée plus de 60 fois et nous avons connu 20 changements de ministres. Chacun des 20 ministres a apporté ses idées, ses visions, ses approches et ses stratégies et a modifié la législation relative à l’éducation selon son bon vouloir. Un autre problème important est celui de la législation sur les salaires dans le système des services, qui a également subi de nombreux amendements causant des disparités et des inégalités profondes en termes de salaires dans le secteur de l’éducation. Les salaires des employé(e)s de l’éducation en Roumanie sont parmi les plus bas d’Europe. Au cours des quatre dernières années, à l’aide des mécanismes du dialogue social, nous avons organisé des réunions régulières avec les Ministres de l'Education, du Dialogue social et des Finances. Nous travaillons ensemble aux amendements de la législation et nous discutons des possibilités d’augmenter le budget consacré à l’éducation.
Malheureusement, le nouveau gouvernement technocrate installé en janvier 2016 a choisi d’ignorer les accomplissements du dialogue social au cours des quatre dernières années, ainsi que les propositions d’une législation sur les salaires dans le service public. La société roumaine dans son ensemble est extrêmement préoccupée et intéressée par la qualité de l’éducation et des conditions de travail dans les écoles et dans le système des soins de santé. C’est très difficile de travailler dans un environnement si complexe et de développer de bonnes relations avec un partenaire social qui modifie l’approche du tout au tout.
Lorsque le dialogue n’est pas possible, lorsque la voix des employé(e)s et de l’ensemble de la société n’est pas entendue, lorsque les efforts de communication sont ignorés, il est temps de réagir !
Avec le soutien des associations d’étudiant(e)s et de parents, notre organisation et les deux autres syndicats du secteur de l’éducation ont décidé d’organiser plusieurs journées de manifestation sous le slogan « Ensemble pour l’éducation ». Depuis le 25 mai, tous/toutes les enseignant(e)s et les étudiant(e)s des écoles secondaires ont manifesté dans les cours des écoles, au son continu des sonneries. Le 1er juin 2016, nous attendons environ 15 000 enseignant(e)s dans les rues de Bucarest pour un rassemblement devant le bâtiment du gouvernement, suivi d’une marche dans la ville vers le palais présidentiel. Cette action constitue un signal fort quant à l’importance d’investir davantage dans l’éducation publique.

Quelles sont les principales thématiques en jeu dans votre organisation ?

Notre syndicat se concentre principalement sur la négociation collective, le dialogue social, l’assurance qualité dans l’éducation par la mise en œuvre des normes, la formation pour le développement des compétences et des capacités de nos membres, la dissémination de l’information, le conseil juridique et les projets susceptibles d’améliorer les conditions de travail dans les écoles.
Comme tous les syndicats de l'éducation en Europe, nous concentrons également nos efforts pour améliorer le statut social et économique des enseignant(e)s et des autres personnels de l’éducation, pour rendre aux enseignant(e)s la dignité de leur profession et les motiver à faire carrière dans le système. Nous pensons que des salaires plus élevés et de meilleures conditions de travail peuvent attirer les jeunes étudiant(e)s vers la profession enseignante. Une approche moderne du processus d'apprentissage intéressera et motivera davantage les enfants dans nos écoles et constituera une valeur ajoutée pour le long terme.

Quelles opportunités votre engagement dans le DSSEE ouvre-t-il pour votre travail et vice versa ?

Une bonne coopération entre les syndicats et les organisations d’employeurs mènera à des stratégies qui influenceront les politiques nationales. Le dialogue social européen est complémentaire au dialogue national et nous aide à pousser le gouvernement à ouvrir des canaux de communication pour un dialogue constructif impliquant les partenaires sociaux sur la thématique centrale en leur donnant l’exemple d’autres pays. Au cours des six dernières années, le soutien du CSEE a également été extrêmement important pour nous dans toutes les étapes difficiles de ce dialogue. Nous avons appris énormément de la coopération au sein du DSSEE et entre le CSEE et la FEEE dans le cadre de projets communs. Toutes les questions et les thématiques débattues dans le cadre du DSSEE étaient importantes pour nous et les bonnes pratiques peuvent être transférées au niveau national. Les syndicats roumains sont aussi très actifs dans le domaine de l’éducation. Par le biais du DSSEE, les représentant(e)s peuvent contribuer au développement d’un dialogue social efficace et constructif au niveau européen. La FSLE soutient la FEEE dans l’ouverture d’un canal de communication avec le Ministère roumain de l’Education nationale afin de devenir membre de cette organisation européenne et d’assister aux réunions du DSSEE, car nous sommes convaincus que les employé(e)s et les employeurs peuvent construire ensemble une société meilleure.

En ce qui concerne le tout nouveau programme de travail du DSSEE pour 2016-17, quelle thématique vous tient le plus à cœur et pourquoi ?

Le syndicat de l'éducation en Roumanie a identifié plusieurs thématiques importantes dans l’actuel programme de travail du DSSEE pour 2016-17 concernant le système éducatif roumain.
Nous sommes et resterons centrés sur « le soutien au enseignant(e)s, aux formateurs/trices et aux directeurs/trices » car l’un de nos principaux défis et d’accroître leur profil professionnel en améliorant l’efficacité de leur formation initiale, en les soutenant au début de leur carrière et en insistant sur l’apprentissage et le développement professionnels continus.
La FSLE mène également un important lobby pour la promotion de « l’enseignement et la formation techniques et professionnels, ainsi que pour l’apprentissage » en Roumanie. Nous sommes très actifs pour accentuer le rôle des enseignant(e)s de l’EFP, des formateurs/trices et des directeurs/trices de l’EFP dans des schémas d’apprentissage et pour stimuler le lien entre EFP/apprentissage et marché de l’emploi. Dans cette perspective, la FSLE a introduit cette année au Parlement une initiative législative permettant d’offrir des bourses et des allocations pour le logement et les repas des enfants qui choisissent la filière de l’EFP.

En quelques mots : quels sont les éléments d’un bon dialogue social ?

Selon moi, un dialogue social efficace se fonde sur la communication, l’ouverture à l’écoute des points de vue des partenaires, sur des objectifs communs et un sens du professionnalisme.
Le dialogue social aux niveaux européen et national doit reposer principalement sur l’expérience existant dans le domaine, sur la synthèse des données et la recherche de résultats, qui peuvent motiver de très bonnes décisions et permettre de trouver rapidement un accord entre les partenaires sociaux sur des mesures à réformer dans l’éducation. Cette expérience signifie à la fois légitimité et confiance dans les résultats d’un dialogue social de qualité.