Éducation en Pologne: dépenses publiques au profit du privé. Les syndicats d’enseignants tirent la sonnette d’alarme.

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Il est largement admis que l’investissement dans l’éducation est primordial pour favoriser la croissance économique, améliorer la compétitivité et la cohésion sociale, le niveau de vie et le bien-être des citoyens, assurer la redistribution des richesses et fournir aux citoyens les compétences nécessaires pour faire face aussi bien aux transitions sur le marché du travail qu’aux répercussions de la crise économique. Aujourd’hui, une menace majeure apparaît : en raison des restrictions budgétaires, certains gouvernements ont tendance à se reposer davantage sur le secteur privé, invoquant souvent l’hypothèse néolibérale d’un gain de qualité et d’efficacité.En effet, les restrictions budgétaires ont poussé bon nombre de gouvernements et administrations à trouver de nouveaux moyens de financement de l’éducation, notamment par la promotion de partenariats public/privé ou encore en permettant aux acteurs privés, commerciaux et financiers d’investir dans le secteur de l’éducation. En outre, les problématiques de financement et de privatisation de certain(e)s services/institutions éducatif(-ve)s vont de pair avec des réformes des systèmes éducatifs, tout particulièrement dans les PECO.

À l’occasion de la Table ronde des PECO, qui s’est tenue à Bucarest du 19 au 21 octobre 2015, Dorota Obidniak (ZNP-Pologne) a pris la parole pour faire état de tendances à la privatisation en Pologne et tirer la sonnette d’alarme. Elle a rapporté que plusieurs cas récents de privatisation avaient suscité la déception des syndicats d’enseignants qui sont montés au créneau en lançant une série de mouvements de protestation. Dans un premier temps, plus de 2000 écoles publiques ont été fermées ; ensuite, plus de 500 écoles publiques sont passées du ressort du gouvernement à celui de tiers (fondations, associations, partenariats), le nombre d’écoles privées augmentant comme jamais auparavant ; enfin, les conditions de travail des enseignants se détériorent de plus en plus.

Notre organisation membre, ZNP, nous a ainsi informés que dans la municipalité de Hanna (près de Lublin), par exemple, les parents avaient été privés de leur droit d’inscrire leur(s) enfant(s) dans des écoles publiques. En effet, depuis 2008, toutes les écoles publiques d’Hanna sont devenues privées. Cette transition fut justifiée par la nécessité de faire des économies. Le maire de Hanna s’était d’ailleurs exprimé en ces termes : « La majorité des dépenses éducatives du gouvernement local sont allouées aux salaires des enseignants et autres frais y afférents – les enseignants ‘consomment’ 90% des subventions. Ils épuisent, pour ainsi dire, les budgets locaux. Telle est la réalité. ».  À Leśniowice, les autorités locales ont pris la décision de transformer des associations en écoles. En conséquence,  les écoles publiques alentour ont dû fermer leurs portes afin de transférer les élèves vers les écoles nouvellement créées. Toutefois, le transfert des écoles à Leśniowice n’a pas engendré de réduction sensible des dépenses publiques. Comme l’a exprimé Dorota Obidniak : « Le mythe s’est avéré faux. L’unique conséquence est que non seulement les écoles sont désormais contrôlées par des associations mais qu’en outre, leur fonctionnement ne coûte pas moins cher à l’État. ».

Les conséquences pour l’éducation de qualité sont incommensurables. En effet, au sein des écoles privées, la Charte de l'enseignant n’est pas en vigueur et les conditions de travail n’en sont que plus médiocres. La rémunération des enseignants est moins élevée dans les écoles privées et ces derniers perdent leurs droits à la protection sociale, entrainant des effets néfastes sur le statut de la profession et sur la qualité de l’enseignement en général. Martin Rømer, Directeur européen du CSEE, en a profité pour rappeler les répercussions qu’avaient les privatisations sur la qualité de l’éducation : « L’IE et le CSEE estiment que l’implication de fournisseurs privés dans le financement et la gestion de services éducatifs/établissements d’enseignements entrave l’égalité d’accès à l’éducation et réduit l’éducation à l’état de marchandise, tandis qu’il s’agit d’un bien public, lui retirant ainsi sa qualité de droit humain. Là où il y a des enseignants, que les établissements soient publics ou privés, les syndicats d’enseignants doivent être présents afin de défendre leurs droits et de promouvoir l’éducation de qualité. ».