La pandémie de COVID-19 ne doit pas faire reculer l’égalité des genres dans le temps

6 avril 2020

L’épidémie de COVID-19 est une crise de santé publique totalement différente de tout ce à quoi l’Europe a été confrontée depuis de nombreuses années. Alors que le personnel éducatif et ses syndicats sont aux prises avec l'épidémie, nous soutenons et informons les organisations membres dans toute la mesure possible.

La pandémie de COVID-19 et les mesures de quarantaine mises en œuvre par la plupart des gouvernements européens frappent particulièrement les femmes, comme l'a récemment souligné l’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (EIGE). Les femmes sont plus susceptibles de faire face à une augmentation significative du travail de soins et d’accompagnement non rémunéré, à des programmes d'emploi précaire et à une augmentation de la violence et du harcèlement sexistes. 73% des travailleur.euse.s de l’éducation sont des femmes et le CSEE appelle les employeurs et les autorités de l'éducation à tenir compte des besoins différents des hommes et des femmes lors de la planification des mesures visant à contenir l'épidémie et ses conséquences.

Les travailleur·euse·s de l'éducation s'adaptent afin de continuer à fournir une éducation de qualité à des millions d'élèves, souvent à distance, ce qui peut alourdir la charge de travail. De plus, les responsabilités domestiques et familiales devraient augmenter car les enfants et d’autres parents sont obligés de rester à la maison. L’EIGE souligne que ce type de travail non rémunéré pèse déjà de manière disproportionnée sur les épaules des femmes, nombre d’entre elles effectuant des «doubles horaires», au travail et à  la maison. Les syndicats de l'éducation craignent que la situation actuelle ne perturbe davantage l'équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée des travailleuses de l'éducation, qui devront jongler avec la charge de travail supplémentaire due à l’enseignement à distance et un travail émotionnel et domestique plus important à domicile.

Le CSEE appelle les décideurs à accorder une attention particulière aux conditions de travail du personnel éducatif travaillant à domicile et aux besoins différents des hommes et des femmes. Les questions concernant la charge de travail, l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée et le bien-être psychosocial doivent être primordiales lors de l'organisation du travail du personnel éducatif dans ces circonstances extraordinaires.

Les travailleuses de l'éducation sont également plus exposées au risque de chômage et de pertes de revenus en raison d’une fermeture. Une récente étude d’Eurofound sur l’égalité des genres au travail a révélé que les femmes sont confrontées à une plus grande insécurité de l'emploi, y compris dans le secteur de l'éducation. Cela correspond aux résultats des recherches de l’EIGE, ainsi qu’à ceux d’une récente étude du CSEE, qui montre que les femmes dans l’éducation sont plus susceptibles de travailler dans des conditions d’emploi précaires ou dans le cadre de contrats temporaires. La pandémie a provoqué la fermeture immédiate des écoles et des universités et a d'énormes conséquences économiques. Les travailleuses de l'éducation sont plus susceptibles d'être placées dans des régimes de chômage temporaire avec une rémunération moins élevée et risquent de perdre leur emploi. L'épidémie de COVID-19 et la crise économique risquent d'aggraver encore les inégalités entre les genres dans le secteur de l'éducation sous toutes leurs formes: écarts de rémunération et de retraite, ségrégation horizontale et verticale entre les genres.

Le CSEE exige que les gouvernements et les autorités éducatives protègent les travailleuses du secteur de l'éducation contre les effets économiques disproportionnés de l'épidémie de COVID-19. Cette crise ne doit pas aggraver les inégalités entre les genres en matière de conditions de rémunération et d'emploi.

En outre, l'appel actuel à l'isolement social augmente le risque de violence sexiste et de violence domestique. Les travailleur·euse·s  des professions à prédominance féminine comme l'enseignement sont déjà plus exposé·e·s à des comportements sociaux défavorables tels que l'intimidation, le harcèlement et la violence, comme le montre l'étude d’Eurofound. Les recherches menées par le CSEE lui-même montrent également que la violence et le harcèlement fondés sur le sexe sur le lieu de travail et dans la société en général constituent un défi de plus en plus sérieux pour le personnel éducatif. La cyberintimidation et le harcèlement en ligne étant déjà un problème grave pour les enseignant·e·s et le personnel éducatif, il est à craindre que les mesures de quarantaine et l'enseignement en ligne puissent exposer les femmes à de nouveaux risques de violence sexiste pendant leur travail. De plus, nous ne pouvons pas présumer que ces nouvelles formes de harcèlement disparaîtront immédiatement lorsque les élèves reprendront l'apprentissage en classe et l'interaction face à face avec le personnel.

Le CSEE insiste sur le fait que les travailleur·euse·s de l'éducation doivent obtenir les conseils et le soutien nécessaires pour être en sécurité pendant la pandémie, en s'attaquant à la violence et au harcèlement sexistes, y compris le cyberharcèlement.

Enfin, le déséquilibre de pouvoir entre les hommes et les femmes dans la société signifie que les voix des femmes ne sont pas suffisamment entendues alors que l’Europe traverse la crise de l’épidémie de COVID-19. Comme le souligne l'EIGE, ce sont surtout les hommes qui prennent des décisions importantes pendant la crise, bien que ces décisions concernent aussi bien les hommes que les femmes. Dans le secteur de l’éducation, les femmes sont sous-représentées dans les postes de direction et de prise de décision, même si elles constituent une forte majorité des travailleur·euse·s dans l'ensemble du secteur.

Le CSEE appelle les gouvernements, les autorités éducatives et les chef·fe·s d'établissement à veiller à ce que les besoins différents des hommes et des femmes soient pris en compte avant la mise en œuvre de toute mesure pour faire face à la crise pandémique.

La crise actuelle expose et amplifie toutes sortes d'inégalités dans notre société, y compris les inégalités entre les genres. Parallèlement, en raison de l'urgence de la situation, ces questions sont moins prioritaires. Le Plan d’action du CSEE pour l’égalité des genres fournit des sources d'inspiration et des propositions, pertinentes dans le cadre de cette crise également, pour relever les défis susmentionnés dans une perspective à plus long terme. Ce cadre politique propose un ensemble d'actions concrètes aux syndicats et au personnel éducatif, couvrant des sujets tels que les stéréotypes de genre et les rôles de genre, les difficultés à concilier vie professionnelle et vie privée ainsi que la ségrégation verticale et horizontale entre les genres dans le secteur de l'éducation.