Défendre l’enseignement supérieur et la recherche en période de crises
Résolution de la Conférence du CSEE 2024
Faisant suite − et conformément − aux résolutions adoptées par le 9eCongrès mondial de l’IE et le 10eCongrès mondial de l’IE convoqué à Buenos Aires en 2024, aux résolutions adoptées par la Conférence du CSEE en 2020, par la Conférence extraordinaire du CSEE en 2021 et par la Conférence spéciale du CSEE convoquée à Liège en 2022, la présente Conférence du CSEE :
Constate avec inquiétude que :
1.La crise du coût de la vie et les pressions exercées par la numérisation et la transition écologique de nos sociétés ont intensifié la volonté de faire de l’enseignement supérieur et la recherche (ESR) un secteur centré en priorité sur les résultats du marché et les relations avec le secteur privé.
2.Le financement à court terme, concurrentiel et non prévisible a pris le pas sur les investissements publics de base, suffisants, durables et prévisibles, tandis que l’évaluation de l’enseignement et de la recherche par les pairs est aujourd’hui remplacée par des métriques quantitatives et des mesures de « responsabilisation ». De telles politiques alimentent le développement du « court-termisme » et l’emploi précaire, contribuent à l’effritement de la liberté académique et menacent la qualité de l’ESR.
3.Le coût des études (matériel d’apprentissage et frais de scolarité plus élevés) et le coût de la vie auxquels doivent faire face les étudiant·e·s nationaux·ales et internationaux·ales constituent des obstacles à l’égalité d’accès aux établissements d’enseignement supérieur et favorisent le décrochage scolaire sans obtention d’un diplôme, contribuant ainsi à creuser davantage encore les inégalités sociales.
4.La multiplication des attaques politiques et idéologiques visant la communauté universitaire et les établissements d’enseignement supérieur et de recherche restreint les libertés fondamentales d’enseigner et d’apprendre et met en péril la liberté académique, l’autonomie institutionnelle, l’auto-gestion des personnels de l’enseignement supérieur et l’intégrité académique.
5.En raison de la montée des nationalismes, il est aujourd’hui plus difficile pour les étudiant·e·s et les personnels internationaux de venir étudier et travailler dans le secteur de l’ESR en Europe.
6.La numérisation, l’automatisation et l’intelligence artificielle (IA) gagnent du terrain dans l’enseignement supérieur, avec des implications importantes pour l’emploi dans les universités, les droits de propriété intellectuelle, la vie privée, les infrastructures et la responsabilité publique.
7.L’érosion permanente des mécanismes de négociation collective et de dialogue social structurés a favorisé une baisse des salaires, ainsi qu’une augmentation des charges de travail, des inégalités salariales, de la précarité et de l’insécurité de l’emploi au sein de l’ESR.
Appelle le CSEE et ses organisations membres à :
1.Exiger un accroissement des investissements publics structurels − condition préalable pour garantir la qualité et l’inclusivité de l’enseignement supérieur et de la recherche − et s’opposer aux coupes budgétaires dans ces secteurs.
2.Lutter contre les écarts de rémunération et de retraite entre les hommes et les femmes qui persistent dans le secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche.
3.Dénoncer l’immense précarité du personnel contractuel de l’enseignement supérieur, qui nuit aux projets de recherche à long terme.
4.S’opposer aux tentatives des gouvernements et des entreprises de ne financer qu’un nombre limité de matières et de projets de recherche – des tentatives souvent uniquement guidées par l’adéquation perçue avec le marché du travail – et à plaider en faveur d’une relation plus équitable et plus équilibrée entre les établissements d’ESR et le marché du travail.
5.Faire en sorte que la protection et la promotion de la liberté académique, ainsi que d’autres valeurs fondamentales telles que l’autonomie institutionnelle et la participation des personnels et des étudiant·e·s à la gouvernance, soient au cœur de l’ESR en Europe.
6.Souligner le rôle essentiel de l’ESR dans le renforcement de la démocratie, la lutte contre les discours de haine et la violence, et la promotion de la paix et de la durabilité environnementale.
7.Mettre en œuvre un soutien financier et une aide sociale pour les étudiant·e·s afin de leur garantir un logement décent, une alimentation suffisante et des moyens financiers leur permettant de poursuivre leurs études tout au long de leur cursus.
8.Faire pression pour instaurer des mécanismes de dialogue social et de négociation collective structurés aux niveaux national et européen, y compris dans des domaines en développement tels que les transitions numérique et écologique.
9.Assurer une représentation syndicale forte dans le cadre des initiatives pour l’ESR mises en place par la Commission européenne, le Conseil de l’Europe et au sein de l’Espace européen de l’enseignement supérieur (EEES et pays du processus de Bologne).
10.Appeler les gouvernements européens et la Commission européenne à mettre en œuvre et respecter la recommandation de l’UNESCO concernant la condition du personnel enseignant de l’enseignement supérieur (1997) et la recommandation de l’UNESCO concernant la science et les chercheurs scientifiques (2017).
11.Continuer à s’appuyer sur le Comité permanent pour l’enseignement supérieur et la recherche du CSEE pour définir des stratégies syndicales en lien avec les politiques européennes touchant les personnels de l’enseignement supérieur et de la recherche au sein de l’Union européenne et des pays du processus de Bologne, ainsi que pour renforcer la solidarité entre les organisations membres représentant ces secteurs ou d’autres (échanges d’informations, de stratégies et d’expériences, etc.).