Se rassembler pour lutter contre la division et la haine – Promouvoir l’inclusion et l’équité
Résolution de la Conférence du CSEE 2024
Faisant suite –et conformément – aux résolutions adoptées par le 9eCongrès mondial de l’IE et le 10eCongrès mondial de l’IE réuni à Buenos Aires en 2024, et aux résolutions adoptées par la Conférence du CSEE en 2020, par la Conférence extraordinaire du CSEE en 2021, par la Conférence spéciale du CSEE convoquée à Liège en 2022,et au Plan d’action du CSEE pour l’égalité, la diversité et l’inclusion,la présente Conférence du CSEE:
Souligne ce qui suit :
1.Ébranlées par une série de bouleversements majeurs tels que la récente pandémie, les crises socio-économique et énergétique, les menaces engendrées par le changement climatique et les catastrophes nationales, les guerres, les conflits armés et d’autres événements dramatiques, les sociétés européennes sont aujourd’hui confrontées à une polarisation politique et idéologique de plus en plus marquée, aux tendances nationalistes clivantes, à la xénophobie, au discours de haine, à la radicalisation, aux inégalités socio-économiques et à l’exclusion sociale. De plus en plus de personnes en Europe éprouvent un sentiment d’isolement et de déconnexion, en particulier dans les établissements scolaires, où elles devraient apprendre à participer activement à la société et à connaître leur rôle au sein de cette dernière. L’éducation, souvent considérée comme un phare des valeurs européennes, de l’égalité et du progrès, se trouve aujourd’hui empêtrée dans un réseau complexe de défis découlant de différents contextes socio-politiques.
2.Au niveau mondial et européen, la montée sans précédent des mouvements d’extrême droite et radicalisés compromet les principes de l’inclusion et de la tolérance qui forment la base de nos systèmes éducatifs. Les dernières tendances confirment l’émergence de phénomènes alarmants tels que la nouvelle vague d’antisémitisme et d’islamophobie, ainsi que les discours d’opposition aux migrant·e·s et réfugié·e·s, et un antiféminisme persistant. Ces manifestations de haine menacent les fondements démocratiques de nos sociétés, mais posent également de sérieux problèmes aux personnels de l’éducation qui s’efforcent de créer des environnements d’apprentissage inclusifs et équitables.
3.D’autre part, certains gouvernements et responsables politiques utilisent nos écoles comme champs de bataille pour faire valoir leurs idées politiques et se servir de l’éducation pour diviser les individus et les inciter à la haine, réécrire les manuels d’histoire en faveur d’approches nationalistes, supprimer l’éducation sexuelle et les sujets appelant une réflexion critique dans les programmes d’études, licencier les enseignant·e·s en désaccord avec l’idéologie du gouvernement, etc. De même, les enseignant·e·s qui enseignent la citoyenneté démocratique et la pensée critique sont de plus en plus souvent victimes de violences physiques directes.
4.Parmi les difficultés rencontrées par les enseignant·e·s, nous devons faire preuve de vigilance quant à la pression exercée par les mouvements sectaires qui poussent les enseignant·e·s à s’autocensurer lorsqu’il·elle·s doivent aborder certains sujets en lien avec leurs cours. Nous ne pouvons tolérer que des enseignant·e·s évitent certaines parties de leur programme par crainte d’être menacé·e·s de violences physiques ou psychologiques ou d’être attaqué·e·s dans leur intégrité professionnelle.
5.L’autonomie professionnelle des enseignant·e·s est de plus en plus souvent bafouée, un phénomène qui a été accentué par les perturbations liées à la pandémie de COVID-19. L’érosion de cette autonomie fragilise l’efficacité des pratiques pédagogiques, mais entrave également les efforts visant à promouvoir une éducation inclusive.
6.Parmi les nombreux défis à relever figure la flambée sans précédent de la violence au sein des établissements scolaires, notamment la violence et le harcèlement en ligne. Les femmes enseignantes, en particulier, sont les plus exposées et les plus vulnérables aux diverses agressions verbales et physiques, notamment de la part de parents. La violence est également l’un des principaux facteurs qui poussent les jeunes enseignant·e·s à quitter la profession enseignante au début de leur carrière.
7.À l’ère numérique, les réseaux sociaux sont devenus de puissants outils pour propager la haine et la division, posant des problèmes importants aux personnels de l’éducation chargés d’exercer leur profession dans cet environnement complexe. D’autre part, l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) apporte son lot de nouvelles incertitudes et de nouveaux risques nécessitant un examen attentif dans le cadre de la poursuite de l’éducation inclusive.
8.Les divisions croissantes et les polarisations politiques parmi les membres des syndicats de l’enseignement rendent également critique le travail interne des syndicats pour garantir l’égalité, la participation démocratique, l’inclusion et l’éducation politique de leurs affilié·e·s pour lutter contre l’endoctrinement, la propagande populiste et la désinformation.
Estime que :
1.Les syndicats de l’enseignement jouent un rôle crucial non seulement parce qu’ils défendent l’éducation contre les tentatives politiques de diffuser des points de vue partiaux, de fausses informations, des idéologies populistes et xénophobes ou des stéréotypes de genre et autres, mais aussi parce qu’ils veillent à ce que les systèmes éducatifs européens promeuvent, soutiennent et célèbrent l’égalité et la diversité en vue de créer des environnements de travail et d’apprentissage inclusifs, en particulier pour le personnel et les élèves en situation de handicap et ayant des besoins spéciaux − un engagement qu’ils ont pris dans le cadre du Plan d’action du CSEE pour l’égalité, la diversité et l’inclusion.
2.L’engagement en faveur d’une éducation inclusive défendant les principes démocratiques et visant à unir les citoyen·ne·s est un investissement social dans le bien-être de l’ensemble de la société, au sein de laquelle se crée un modèle social inclusif et pacifique qui bénéficie à l’ensemble de ses membres. Cette éducation suppose également la mise en place d’environnements d’apprentissage et d’enseignement réputés sûrs et sécurisés reposant sur un climat scolaire positif où règne une culture démocratique de la paix, de la tolérance, de l’équité, de l’inclusivité, de la participation et de la coopération, qui respecte les libertés d’opinion et d’expression et encourage et promeut les discussions entre l’ensemble des membres de la communauté éducative.
Confirme l’engagement du CSEE et de ses organisations membres à :
1.Lutter et mener des campagnes contre toutes les formes de xénophobie, de discours de haine, de misogynie, de sexisme, de racisme et d’animosité fondées sur l’appartenance ethnique, le genre, l’orientation sexuelle, la religion, le statut migratoire, les capacités ou tout autre facteur contextuel.
2.Demander aux gouvernements européens d’évaluer la mise en œuvre de la Déclaration de Paris portant sur la promotion de l’éducation à la citoyenneté et aux valeurs communes de liberté, de tolérance et de non-discrimination, adoptée en 2015, et de revoir les engagements qui y sont pris.
3.Adopter un programme d’études aligné sur les valeurs démocratiques d’égalité, d’inclusion, de tolérance, de non-discrimination et de solidarité, qui présente la diversité comme une valeur ajoutée, sert les Objectifs de développement durable des Nations Unies et remet en question les préjugés et stéréotypes existants, en cultivant l’esprit critique, la citoyenneté numérique et l’éducation aux médias.
4.S’assurer que les discours de haine et la manipulation de l’enseignement soient éliminés des manuels scolaires et de toutes les ressources d’apprentissage et d’enseignement et faire en sorte de ne pas imposer aux enseignant·e·s du matériel pédagogique contenant des préjugés ayant pour but d’intégrer des idées qui alimentent la discrimination, l’intolérance et un climat d’insécurité pour les enseignant·e·s et les élèves (tant dans l’enseignement que dans les programmes d’études).
5.Prendre des mesures proactives pour préserver la démocratie par le biais et au sein de l’éducation et lutter contre le problème croissant que représentent les mouvements populistes et les idéologies d’extrême droite, en plaidant en faveur de l’enseignement de la citoyenneté démocratique et de la transmission des valeurs fondées sur les droits humains, tout en poursuivant la tradition syndicale qui consiste à lutter pour la démocratie.
6.Exiger que les gouvernements investissent des ressources publiques substantielles dans une société inclusive et pacifique basée sur de solides valeurs démocratiques, ainsi que dans une éducation qui renforce l’égalité, la diversité et l’inclusion, en vue depréparer des citoyen·ne·s ouvert·e·s d’esprit, culturellement sensibles et responsables, et que les gouvernements réexaminent l’investissement des ressources publiques dans des secteurs et des activités qui peuvent perpétuer la violence et la haine.
7.Réclamer des programmes de formation initiale et de développement professionnel continu tant pour les personnels enseignants que pour les responsables d’établissement scolaire, afin de leur permettre d’acquérir les connaissances et les outils nécessaires pour lutter contre les discours de haine et toutes les formes de violence, d’intimidation, de harcèlement (y compris en ligne) et de discrimination, quels que soient les motifs, à tous les niveaux des établissements scolaires.
8.Exiger de renforcer l’importance accordée au bien-être des personnels enseignants et des élèves, en tant que condition indispensable à la construction d’une société inclusive et pacifique, en supprimant notamment les tâches administratives superflues imposées aux enseignant·e·s, en allégeant leur charge de travail ou en appliquant des politiques et des pratiques en matièrede santé mentale dans chaque établissement scolaire. Pour réussir à mettre en œuvre une éducation inclusive, les enseignant·e·s devraient pouvoir faire appel à du personnel spécifique pouvant les aider à prendre en charge les élèves ayant des besoins particuliers et devraient bénéficier d’une formation adéquate.
9.Faire la distinction entre les gouvernements ou les partis politiques d’extrême droite et les citoyen·ne·s (éventuellement membres d’un syndicat) qui soutiennent ces partis et définir des stratégies spécifiques pour y remédier : si les syndicats s’opposent aux discours et attaques des gouvernements et partis politiques populistes, il est important pour eux d’engager undialogue avec les citoyen·ne·s qui soutiennent ces idées d’extrême droite, qu’il s’agisse de parents, d’enseignant·e·s ou d’élèves, et d’être à l’écoute de leurs besoins en espérant pouvoir leur faire changer d’opinion.
10.Lutter contre les éventuelles divisions et polarisations politiques parmi les membres des syndicats, au travers du dialogue et de l’éducation politique, tout en appliquant la tolérance zéro vis-à-vis de toute forme d’intolérance, de discours de haine, de discrimination et de violence au sein des structures syndicales.
11.Encourager l’utilisation d’un langage et de formes de communication se voulant inclusifs (p. ex. communications numériques et imprimées, réseaux sociaux) dans la société, les systèmes éducatifs (également au niveau de l’emploi) et les syndicats eux-mêmes.