Projet pilote sur l’IA en Islande – Que signifie-t-il réellement pour les enseignants ?
À la suite du récent communiqué de presse de l’entreprise technologique Anthropic annonçant « l’un des premiers projets pilotes nationaux sur l’IA dans l’éducation en Islande », cette initiative a suscité un vif intérêt médiatique au sein de la communauté éducative et a été présentée comme un exemple phare d’adoption de l’IA dans le secteur éducatif. Face aux descriptions inexactes et trompeuses qui circulent dans les titres, le CSEE estime essentiel de fournir une explication claire des objectifs et de la portée réels du programme afin de corriger la confusion qui l’entoure.
Contrairement au récit véhiculé par le communiqué d’Anthropic, qui suggère un changement systémique à l’échelle nationale vers l’utilisation de l’IA dans l’éducation, les informations officielles de la Direction de l’éducation et des services scolaires ainsi que les éclairages du Syndicat islandais des enseignants (KI) précisent que l’initiative est en réalité un projet pilote expérimental de petite envergure, d’une durée de six mois, impliquant environ 7 % des enseignants du primaire et du secondaire en Islande.
L’initiative, menée par le Centre des services éducatifs et scolaires (MMS) en collaboration avec le Syndicat islandais des enseignants (KI), a une durée limitée de six mois, d’octobre 2025 à avril 2026. Son objectif est d’accompagner les enseignants, conseillers et chefs d’établissement dans l’exploration des possibilités offertes par l’intelligence artificielle pour la planification des cours et l’enseignement dans le contexte éducatif spécifique islandais. Le projet prévoit de donner accès à Google Gemini à un groupe sélectionné d’environ 300 enseignants (5 %) du primaire et du premier cycle du secondaire, et à Claude.edu d’Anthropic à environ 260 enseignants (14 %) du second cycle du secondaire et de la formation professionnelle. L’initiative comprend des supports de formation, des ressources pédagogiques et un réseau d’accompagnement dédié.
Ce projet pilote ne constitue pas une mise en œuvre complète de l’IA dans les écoles islandaises, comme le souligne la Direction de l’éducation sur son site : « il s’agit uniquement d’un projet pilote visant à évaluer l’impact potentiel avant toute décision sur l’opportunité et les modalités d’utilisation de ces outils à l’avenir ». La participation des enseignants est volontaire et flexible : ils peuvent utiliser les outils autant ou aussi peu qu’ils le souhaitent, sans obligation de suivre des cours ou des formations. La seule exigence est de remplir un court questionnaire toutes les quelques semaines pour partager leurs retours. Ainsi, le projet a été conçu comme une opportunité de développement professionnel, et non comme un changement structurel.
L’implication du Syndicat islandais des enseignants (KI) dans cette initiative a été déterminante pour garantir que le projet reste centré sur les besoins éducatifs plutôt que sur des ambitions commerciales ou des objectifs gouvernementaux. Le syndicat a joué un rôle proactif en facilitant la communication directe avec les enseignants et en établissant des mécanismes de dialogue social et de coopération avec le ministère de l’Éducation lors de la phase de conception. KI a activement défendu la prise en compte des intérêts des enseignants, contribué au recrutement des participants et favorisé des attentes réalistes vis-à-vis du projet.
Guðjón Hreinn Hauksson, président de l’Association des enseignants du second cycle du secondaire et de la formation professionnelle, se dit satisfait du projet jusqu’à présent : « Le groupe d’enseignants du second cycle est devenu une communauté d’apprentissage de plus en plus active, où les gens partagent leurs expériences et leurs idées sans hésiter à poser des questions difficiles. Et ces questions ne sont pas seulement techniques — elles concernent souvent les approches pédagogiques, l’éthique et la protection des données, pour ne citer que quelques exemples. Le groupe est très diversifié, allant de véritables experts en IA à des débutants complets. Les animateurs du groupe sont des enseignants en exercice qui n’avaient auparavant aucun lien avec Anthropic ou la Direction de l’éducation, mais qui sont désormais un maillon essentiel entre les enseignants et la Direction/Anthropic. J’en fais moi-même partie, donc je le suis à la fois en tant qu’enseignant et en tant que président de l’association, qui est à la fois un syndicat et un organisme professionnel. C’est un projet vraiment passionnant et intéressant », explique Guðjón.
Réfléchissant aux implications européennes des initiatives liées à l’IA, le directeur du CSEE, Jelmer Evers, a déclaré : « L’implication proactive du Syndicat islandais des enseignants dans cette initiative est un exemple puissant de dialogue social en action. Le projet pilote islandais prouve que les décisions concernant l’IA dans l’éducation doivent partir des preuves et de la voix professionnelle des enseignants — et non du battage technologique. Pourtant, le récit trompeur des grandes entreprises technologiques révèle un déséquilibre plus profond : des intérêts motivés par le profit exercent des pressions à tous les niveaux, de la salle de classe à la gouvernance éducative européenne et aux initiatives politiques. Ces défis ne sont pas isolés — ce sont des pressions systémiques à l’échelle européenne qui risquent de saper le contrôle démocratique de l’éducation. Le CSEE ne permettra pas que l’éducation soit laissée aux intérêts guidés par le profit. L’éducation est un bien public et un droit humain, et la technologie doit servir la pédagogie, et non le profit des entreprises. C’est pourquoi le cas islandais dépasse ses frontières : il montre que les syndicats de l’éducation doivent unir leurs forces, renforcer la coopération en Europe et dans le monde, et définir des normes et pratiques communes en matière d’IA qui protègent la qualité, l’équité, l’autonomie professionnelle des enseignants et la mission publique de l’éducation. »