Union des Compétences : Une avancée, mais une attention plus importante sur les enseignants est nécessaire

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L'Union des Compétences (UdC) présentée par la Commission européenne propose un plan ambitieux pour renforcer l'éducation et la formation en Europe. Nous saluons cette attention portée à l’éducation, reconnaissant que l’investissement dans l’éducation est essentiel pour l’avenir de l’Europe. Cependant, pour que cette initiative soit véritablement efficace, la Commission européenne et les gouvernements nationaux doivent travailler en étroite collaboration avec la profession enseignante afin d'assurer un changement significatif et durable.

En cette période d’incertitude géopolitique, nous reconnaissons également la nécessité d’investir dans la sécurité européenne et nous saluons le soutien continu de l’UE à l’Ukraine. Toutefois, cela ne doit pas se faire au détriment des investissements publics essentiels, notamment dans l'éducation et le secteur public au sens large. Une éducation de qualité est une responsabilité publique, et son financement doit rester une priorité. Le droit à une éducation inclusive de qualité est un droit humain fondamental et ne doit pas être remis en cause par la proposition de n’attirer et de retenir que les "meilleurs talents et les étudiants les plus brillants".

L’éducation n'est pas seulement un atout économique, mais aussi le socle de la démocratie et des sociétés prospères. Jelmer Evers, Directeur de l’ETUCE :

"En tant qu'enseignant, j’ai vu les erreurs résultant de cette vision trop étroite se produire trop souvent dans la salle de classe. Elles ont eu des conséquences désastreuses pour mes élèves et ma profession. Comme l’a si bien dit John Dewey : 'La démocratie doit renaître à chaque génération, et l'éducation est sa sage-femme.' L'UdC doit aller au-delà d’un programme limité aux compétences et reconnaître le rôle fondamental de l’éducation dans la citoyenneté active, le développement durable, la pensée critique et la cohésion sociale. L’Europe doit se préparer à bâtir des sociétés prospères et à prévenir les crises, et non pas seulement y réagir."

Si une économie innovante est essentielle pour une Europe forte et un traitement équitable des travailleurs, un focus restreint sur les compétences de base pose problème. Evers :

"La recherche et l’expérience nationale ont démontré qu’un curriculum large et holistique—incluant de nombreuses disciplines, avec une solide base de connaissances et des approches pédagogiques variées—est la meilleure façon de construire des systèmes éducatifs de haute qualité, de soutenir les élèves et de développer des compétences essentielles. Les pays qui se sont concentrés de manière excessive sur les compétences de base ont connu un appauvrissement du programme scolaire, une réduction de l'autonomie professionnelle des enseignants et une baisse des performances éducatives à l’échelle internationale.

L’Union des Compétences risque de nous entraîner sur cette voie à l’échelle européenne. Nous exhortons les gouvernements nationaux et la Commission à repenser cette approche limitée en collaboration avec la profession enseignante et les autres parties prenantes."

Nous saluons la reconnaissance des pénuries d’enseignants, en particulier dans les matières STEM. Cependant, cette stratégie ne réussira que si elle prend en compte la précarité des conditions d'emploi dans l'éducation. Trop d’enseignants sont confrontés à un manque d’autonomie professionnelle, des contrats précaires, de bas salaires, une charge de travail excessive et de faibles perspectives de carrière, ce qui rend difficile l’attraction et la rétention des talents. Par ailleurs, l’absence d’un droit garanti à la formation pour le personnel éducatif représente une occasion manquée. Assurer des emplois stables et des opportunités de formation tout au long de la vie est essentiel pour garantir l'excellence de l'éducation et rendre la profession plus attractive.

En ce qui concerne la gouvernance de l’Union des Compétences, il semble que les intérêts économiques bénéficient d’une influence sans précédent sur notre système éducatif. Evers :

"Quand on observe l’oligarchie débridée aux États-Unis et les conséquences qu’elle a sur la démocratie, les institutions et l’éducation publique, confier l’éducation de nos enfants aux intérêts économiques ne semble pas être une voie que l’UE devrait emprunter. Tous les acteurs doivent être impliqués, y compris le secteur privé, mais l'équilibre semble aujourd’hui totalement pencher en faveur des intérêts économiques."

Alors que les discussions sur l’Union des Compétences avancent, nous appelons les décideurs européens à :

  • Associer la profession enseignante via ses syndicats d’éducation à toutes les étapes de la gouvernance de l’éducation et de la formation, y compris au sein du Conseil de Haut Niveau sur les Compétences.
  • Construire une profession enseignante attractive en améliorant la sécurité de l’emploi, les salaires, les conditions de travail, l’autonomie professionnelle et le développement professionnel.
  • Garantir un dialogue social significatif entre la Commission, les gouvernements et les employeurs en impliquant les syndicats de l’éducation dans toutes les décisions politiques.
  • Garantir un droit à la formation pour tout le personnel éducatif par le biais d’engagements clairs et d’un financement adéquat.
  • Défendre l’éducation publique comme un bien commun, ainsi que les diplômes et qualifications comme fondements de l’apprentissage tout au long de la vie.

En fin de compte, cette initiative ne pourra réussir que si la Commission s’engage activement avec les enseignants et les syndicats de l’éducation. Nous sommes impatients de travailler avec la Commission afin de garantir que l’Union des Compétences profite véritablement aux élèves, aux enseignants et à la société européenne dans son ensemble.