Informations générales sur le TTIP
Qu'est-ce que le TTIP?
Le Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement est un accord commercial global en cours de négociation entre l'Union européenne et les États-Unis. Les discussions visent à réduire voire à éliminer les obstacles au commerce des biens et des services, à garantir juridiquement les droits de l'investisseur et à promouvoir la coopération en matière de réglementation.
Où en sont les négociations?
Les négociations du TTIP ont débuté en juillet 2013 et 10 cycles de négociations ont eu lieu depuis. Le 10ème cycle a eu lieu à Bruxelles du 13 au 17 juillet 2015. Les négociations se sont essoufflées et les parties ont annoncé un « nouveau départ » des négociations en décembre 2014. Dans les conclusions du Conseil de l'Europe des 19 et 20 mars 2015, les leaders européens ont déclaré que les négociations du TTIP doivent être clôturées en 2015. Ce délai est toutefois globalement considéré comme irréaliste. Le travail préparatoire au profit des négociateurs a commencé en 2011 avec la création par l'UE et les États-Unis d'un Groupe de travail de haut niveau sur l'emploi et la croissance. Son mandat était d'étudier la faisabilité et les avantages potentiels découlant d'un accord commercial global couvrant tous les secteurs. Le groupe de travail a conclu son mandat en recommandant d'initier des discussions formelles. Le Parlement européen (PE) a adopté le 8 juillet 2015 a une vaste majorité les recommandations sur les négociations du TTIP. La Commission du commerce international (INTA) était la commission responsable de l'élaboration des recommandations, mais 14 autres commissions participaient également au processus. Le projet de recommandations de la commission Commerce international du Parlement européen (INTA) a été adopté le 28 mai 2015.
Quel est le champ d'application du TTIP?
Le TTIP a vocation à devenir un vaste accord global sur le commerce et l'investissement, couvrant tous les secteurs et tous les modes de fourniture de biens et de services par-delà les frontières. Le TTIP entend réduire ou éliminer les droits de douane sur les produits industriels et agricoles, et limiter le recours aux subventions et aux réglementations qui sont estimées entraver et fausser les échanges. En outre, l'accord s'appliquera à tous les secteurs des services, y compris éventuellement aux domaines sensibles comme la santé et l'éducation. Enfin, l'accord a également pour objectif d'offrir une protection juridiquement contraignante aux investisseurs, au détriment du champ de compétence des politiques publiques.
L'éducation fait-elle partie du champ d'application du TTIP?
La vaste portée du TTIP implique que les services publics tels que l'éducation pourraient être concernés directement et indirectement. L'éducation reste l'un des secteurs les moins concernés par les accords commerciaux en raison des inquiétudes légitimes portant sur les règles commerciales juridiquement contraignantes susceptibles de limiter la capacité des gouvernements et des autorités compétentes à garantir l'accès à une éducation de qualité. Cependant, les entreprises privées ou à but lucratif du secteur de l'éducation ainsi que plusieurs pays se font plus pressants pour imposer l'éducation dans les accords commerciaux tels que le TTIP. À titre d'exemple, le gouvernement britannique a récemment indiqué dans sa stratégie internationale en matière d'éducation que « pour que le Royaume-Uni tire le meilleur parti des débouchés planétaires dans le secteur éducatif, le gouvernement va s'employer à étudier comment ces importantes négociations commerciales, en cours ou futures, peuvent lever les obstacles à l'accès au marché auxquels nos prestataires de services éducatifs se heurtent sur les marchés de certains pays tiers." En outre, un document publié en début d'année par le Cato Institute, laboratoire d'idées conservateur, exhorte les États-Unis et d'autres pays à poursuivre la libéralisation des échanges dans le secteur de l'éducation, en particulier dans l'enseignement supérieur, afin de « réduire le rôle du gouvernement et renforcer la présence des entreprises à but lucratif. »
En un mot, certains gouvernements et groupes de pression industriels exercent des pressions croissantes pour tirer profit des accords commerciaux tels le TTIP et créer de nouveaux marchés pour les services de l'éducation.
N'est-il pas vrai que les services publics sont en règle générale exclus des accords commerciaux?
Même si les négociations sont en phase initiale, il est probable que le TTIP fournira une exemption générale pour « les services fournis dans l'exercice de l'autorité gouvernementale ». Cette formulation figure dans d'autres accords comme l'Accord général sur le commerce des services (AGCS). Cependant, cette exemption est extrêmement étroite et ouverte à des interprétations conflictuelles. La raison en est la définition très étroite des services gouvernementaux comme des services prestés sur une base non-commerciale et sans compétition avec d'autres fournisseurs. En d'autres termes, si le système éducatif d'un pays est en partie fourni sur une base commerciale ou gratuitement, ou si des écoles privées sont actives dans ce pays, l'éducation pourrait ne pas profiter de l'exclusion générale. Parallèlement, l'approche de l'UE concernant l'éducation financée publiquement est inadéquate .Étant donné que la plupart des systèmes d'éducation en UE et aux États-Unis sont en fait une combinaison d'acteurs sans but lucratif d'une part et d'acteurs commerciaux d'autre part, il est peu probable que le secteur de l'éducation bénéficie d'exclusions générales. Il convient d'exclure de manière plus efficace et élargie l'éducation et les autres services publics pour protéger la capacité des gouvernements à proposer des services via le système mixte approprié qu'ils estiment adéquat en vue d'atteindre les objectifs de politique nationale.
Quels sont les dangers de l'inclusion des services d'éducation dans le TTIP ?
L'inclusion des services d'éducation dans un accord commercial, quel qu'il soit, représente d'important risques car elle restreint le champ de compétence de la politique publique et verrouille et intensifie les pressions de la privatisation et de la commercialisation.
Les accords commerciaux énoncent généralement un certain nombre de règles ou de « disciplines » que les États doivent respecter soit dans tous les secteurs, soit, en fonction de l'architecture de l'accord, dans les secteurs pour lesquels ils doivent libéraliser des engagements spécifiques. Les plus contraignantes de ces règles sont le traitement national et l'accès au marché.
Le traitement national requiert d'une partie qu'elle étende aux prestataires étrangers de l'autre partie les mêmes avantages et privilèges que ceux dont bénéficient ses propres fournisseurs internes. L'accès au marché interdit aux parties d'imposer à des fournisseurs commerciaux des mesures comme les quotas ou les limites qui restreindraient leur accès au marché.
Ces règles commerciales sont juridiquement contraignantes et peuvent entraîner le verrouillage et l'intensification des pressions de la commercialisation et de la privatisation. Par exemple, si le TTIP libéralise complètement les services éducatifs, les règles de traitement national pourraient exiger des parties qu'elles étendent à des fournisseurs de l'autre partie les mêmes subsides que ceux dont disposent les écoles et autres institutions éducatives nationales.
Les règles qui entourent l'accès au marché pourraient restreindre la capacité des États-Unis et des États membres de l'UE à limiter l'entrée et à réguler les activités des écoles et institutions privées à but lucratif. Toute tentative dans ce sens, par l'imposition de nouvelles accréditations et d' exigences d'assurance qualité, pourrait être interprétée comme une barrière déguisée au commerce. Même l'absence d'un plan d'accréditation pour les prestataires étrangers de l'éducation pourrait être perçue comme une violation des engagements commerciaux. Ce sujet fait en fait actuellement l'objet d'un litige interne à l'UE : la Commission européenne a entamé une procédure d'infraction contre la Slovénie pour que la législation dans le domaine de l'éducation soit alignée sur la Directive sur les services.
Existe-t-il d'autres dangers pour le secteur de l'éducation dans le cadre du TTIP ?
Les systèmes d'éducation en UE et aux États-Unis pourraient également être affectés si le TTIP développe des règles sur la coopération réglementaire. Ces règles entraîneraient de nouvelles restrictions sur les mesures liées aux qualifications requises, aux licences et autres normes, dans le but d'éviter que ces soient plus restrictives que nécessaire pour le commerce. Les disciplines développées selon les qualifications pourraient éventuellement permettre aux États de l'UE et aux États-Unis de se défier mutuellement sur le plan des exigences en matière d'éducation, de normes d'accréditation professionnelle, de procédures de certifications et de test considérées comme « plus lourdes que nécessaire ». Les règles en matière de procédures de licences et d'exigences pourraient remettre en question les réglementations concernant non seulement les licences professionnelles, mais aussi l'accréditation des écoles et des institutions éducatives. Les normes techniques font référence aux règles selon lesquelles un service doit être fourni, exposant dès lors potentiellement les normes d'assurance qualité qui gouvernent l'éducation.
L'application d'un test de nécessité aux réglementations intérieures ne tient pas compte de la réalité du développement des réglementations éducatives. Les règles et normes sont conçues et mises en œuvre via des compromis qui n'imposent aux prestataires de service ni la charge la plus lourde, ni la plus légère. Exiger que toutes les réglementations soient les plus légères limiterait à la fois le contenu et le processus de la prise de décision démocratique.
En outre, à l'inverse de l'AGCS, le TTIP prévoit un mécanisme de règlement des différends entre un investisseur et un pays (ISDS), qui permettrait aux entreprises privées de porter plainte directement contre les gouvernements pour de prétendues violations des règles. La plupart des accords commerciaux prévoient la résolution des litiges d'État à État. L'ISDS permettra à des entreprises américaines investissant en Europe de poursuivre directement les gouvernements européens dans un tribunal d'arbitrage international pour toute mesure qui, selon ces entreprises, interfère avec leurs profits. Les entreprises de l'UE investissant aux États-Unis disposeraient du même privilège.
Dans d'autres accords, cette clause a déjà permis à des entreprises de contester avec succès des politiques légitimes visant à renforcer et à étendre les services publics. Fin 2012, la compagnie d'assurances hollandaise Achmea (anciennement Eureko) a reçu 22 millions d'euros de compensation de la part de la Slovaquie en vertu de la clause relative aux droits des investisseurs d'un traité bilatéral d'investissement signé avec les Pays-bas. Achmea a contesté une décision du gouvernement slovaque datant de 2006, qui inversait la privatisation des services de santé de la précédente administration et exigeait que les assurances santé fonctionnent sur une base non lucrative. La simple menace d'un litige pourrait forcer les décideurs politiques à éviter d'entériner une nouvelle législation et de nouvelles réglementations qui, bien que dans l'intérêt public, pourraient avoir impact négatif sur les investisseurs étrangers.
Comment éviter ces dangers ?
Le meilleur moyen d'éviter que l'éducation et les autres services publics ne soient exposés aux règles commerciales est de négocier une exclusion générale efficace, ou « exemption » du TTIP. Le Conseil des Ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne a déjà exclu le secteur de l'audiovisuel du mandat des négociations du TTIP. La justification de cette exclusion était fondée sur l'objectif d'intérêt public de préservation et de promotion de la diversité culturelle et linguistique au sein de l'UE. L'argument selon lequel le même raisonnement s'applique à l'éducation est défendable et semblerait justifier une exclusion du TTIP.