Le moment est enfin venu : l'écart salarial des enseignant·e·s du primaire est comblé aux Pays-Bas!

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Cette année, l'organisation membre du CSEE aux Pays-Bas, l’AOb, célèbre un succès majeur au nom des droits des enseignant·e·s et de l'égalité au sein de la profession enseignante. Après 5 ans de mobilisation par le biais de grèves et de négociations, l'écart salarial du personnel de l'éducation entre le primaire et le secondaire est enfin comblé. Avec l'argent de l'accord de coalition, les syndicats et les employeur·euse·s ont réussi à augmenter les salaires de l'enseignement primaire jusqu'au niveau de ceux de l'enseignement secondaire. Avec cet accord, la rémunération dans l'enseignement primaire et secondaire est devenue égale, pour tou·te·s les enseignant·e·s et chef·fe·s d'établissement et l'ensemble du personnel éducatif. Ce succès constitue également une avancée significative pour l'égalité des sexes dans le secteur de l'éducation aux Pays-Bas, puisque le pourcentage de femmes employées dans le primaire est nettement plus élevé que dans le secondaire.

Dans le cadre de la Conférence spéciale du CSEE, nous avons eu l'occasion de parler à Jelmer Evers (Vice-président) et Tamar Van Gelder (Présidente) de l'AOb, qui nous ont fourni des informations de première main sur cette réussite et le travail que cela représente.

  1. Pourriez-vous nous expliquer ce qui a placé cette question sur la table et quel a été le parcours qui a conduit à la réduction de l'écart salarial entre l'enseignement primaire et secondaire aux Pays-Bas ?

Jelmer Evers: En 2017, notre syndicat a commencé à promouvoir des grèves et d'autres actions syndicales, dont le principal moteur était la question de la pénurie d'enseignant·e·s, liée à l'écart de rémunération entre l'enseignement primaire et secondaire, qui n'est pas justifié car les enseignant·e·s des deux niveaux sont également qualifié·e·s. Les problèmes liés aux salaires dans l'éducation ont toujours été notre priorité, mais l'écart salarial entre les enseignant·e·s du primaire et du secondaire en tant que tel n'était pas à l'ordre du jour. Ce thème a été porté à l'attention de l'AOb par trois enseignant·e·s du primaire qui ont souligné l'inégalité liée à cet écart salarial dans un article de journal très médiatisé. Par conséquent, le syndicat a considéré cette question comme une priorité à porter à l'attention des décideur·euse·s politiques nationaux·ales. Au début, nous avons reçu pas mal de critiques de la part d'autres syndicats au sujet des grèves, et nos membres étaient divisé·e·s en interne sur cette question. Cependant, après une série de grèves réussies, un effet boule de neige s’est mis en place et le public a embrassé cette cause, ce qui a finalement conduit à un investissement total de 900 millions par le gouvernement néerlandais afin d’augmenter les salaires du personnel de l'enseignement primaire pour leur permettre d’atteindre le niveau de ceux de l'enseignement secondaire.

Tamar Van Gelder: Après 5 ans de grèves, qui ont mis l'accent sur l'écart salarial entre enseignant·e·s dans le cadre de la reprise après la pandémie, le nouveau gouvernement élu en janvier 2022 aux Pays-Bas ne pouvait ignorer ce problème, puisqu'il va de pair avec la question de la pénurie d'enseignant·e·s. Dans l'ensemble, ce fut un succès significatif et l’AOb en attribue le mérite à certain·e·s politicien·ne·s néerlandais·e·s, mais des investissements plus importants sont toujours nécessaires et le gouvernement devrait s'impliquer davantage et se préoccuper davantage du secteur de l'éducation. Aux Pays-Bas, de l'argent a été alloué à notre secteur, mais le problème reste de savoir comment le dépenser correctement.

  1. Comment l'harmonisation des salaires entre l'enseignement primaire et secondaire a-t-elle amélioré la situation du point-de-vue de l’égalité des genres ?

Tamar Van Gelder: Aux Pays-Bas, comme dans d'autres pays, le pourcentage de femmes travaillant dans l'enseignement primaire est nettement plus élevé que dans les autres secteurs de l'éducation. Par conséquent, l'écart de rémunération entre l'enseignement primaire et secondaire a également créé une inégalité de revenus entre le personnel éducatif masculin et féminin. Par conséquent, à la suite de ce succès, nous constatons une forte amélioration de l'égalité des genres dans le secteur de l'éducation.

Jelmer Evers: L'objectif initial de l'AOb, ainsi que le récit du gouvernement néerlandais, ne se concentraient pas spécifiquement sur l'amélioration de l'égalité des genres, mais plutôt sur l'égalité de rémunération pour un travail de valeur égale. Cependant, les résultats de cette mesure conduisent à une égalité accrue pour chaque classe sociale et chaque genre.

  1. Que suggéreriez-vous aux syndicats de l'enseignement d'autres pays qui souhaiteraient poursuivre un objectif similaire ?

Tamar Van Gelder: L'expérience de cette réussite a montré que l'engagement collectif est une fois de plus la bonne approche pour rechercher des succès concrets en tant que syndicats. L'organisation de chaque initiative en coopération avec d'autres syndicats et avec des personnes et des organisations soutenant la cause aide à transmettre un message clair par la négociation, l'organisation et la mise en réseau à plusieurs niveaux. Même pendant la pandémie, notre syndicat a constamment exercé des pressions sur les intervenant·e·s du secteur de l’éducation et collaboré avec d'autres syndicats pour faire vivre notre message. En fait, cela a également contribué au renouveau syndical. De plus, je suggérerais de ne pas avoir peur d'utiliser de nouvelles méthodes pour interagir avec le public, comme les médias sociaux par exemple.

Jelmer Evers: Une suggestion appropriée est de s'engager auprès du public en utilisant les réseaux et les médias sociaux comme catalyseur, car nous avons remarqué une grande solidarité et un grand intérêt pour notre objectif venant également des étudiant·e·s et de leurs parents ainsi que de différentes organisations. Pendant les grèves, nous avons remarqué un grand enthousiasme et une mobilisation collective, mais si nous nous étions concentré·e·s uniquement sur les grèves, nous n'aurions probablement pas eu le même succès. En effet, les syndicats de l'enseignement devraient établir des liens et négocier des solutions concrètes grâce à la mise en réseau avec les différent·e·s acteur·trice·s et parties prenantes impliqué·e·s dans ce domaine. En particulier, les syndicats ne doivent pas avoir peur d'écouter les personnes extérieures à leur organisation pour trouver différentes perspectives utiles, comme l'a fait l’AOb avec les trois enseignant·e·s du primaire qui ont abordé le sujet de l'écart salarial et sont maintenant membres de l'AOb. Ainsi, la suggestion est de parler et de coopérer avec les membres des syndicats, d'être proactif·ve et d'essayer de faciliter la profession enseignante dans votre pays en défendant fermement ses positions et en luttant ensemble pour chaque question cruciale.